jeudi, 15. mars 2012

Mythologie moderne

L es cannabinophiles peuvent se reconnaître dans un dieu : Dionysos ! En plus d‘être un dieu des ivresses, de la fête et des arts, libérateur aussi, plusieurs mythes qui lui sont associés abordent également la prohibition, quand un roi refuse la vigne et son vin, l‘ivresse comme valeur sociale, civilisatrice même.

Il y a bien sûr l‘ argument des Bacchantes d‘Euripide, véritable texte sacré du dionysisme, où le roi Penthée persécute les bacchantes et tente de mettre dans ses geôles le jeune dieu revenant d‘Orient car il bouleverse l‘ordre figé de la cité. Mais plus encore avec le mythe de Lycurgue, déjà évoqué dans l‘Iliade (chant VI, 130-140).

Ce roi thrace des Edoniens avait pourchassé Dionysos revenant de l‘Inde, ainsi que son cortège de bacchantes et de satyres, qu‘il mit, lui aussi, dans ses geôles ou qu‘il fit exécuter sommairement, car ces compagnons de Dionysos risquaient de pervertir son ordre établi. A tel point que Dionysos, fils de la mortelle Sémélé et de Zeus lui-même, dut se réfugier dans la clandestinité, pris de terreur devant la fureur du roi, en plongeant dans les profondes demeures marines de la bienveillante Thétis. Mais voilà, en voulant éradiquer le produit, la vigne, avec sa double hache, pris de folie ou aveuglé selon les versions, c‘est son propre fils Dyas qu‘il démembra, exécuta avec cruauté, convaincu qu‘il était de la nécessité de débarrasser son pays de ce qu‘il considérait comme un fléau. Et après ce crime de « prohibition », cet infanticide sacrilège, tout son pays fut plongé dans la famine et la désolation.

Bien entendu, le parallèle avec notre situation actuelle est flagrant : en voulant éradiquer le produit, c‘est la « jeunesse » du pays qui est massacrée dans un aveuglement de fureur, et cette prohibition coûte si cher qu‘elle appauvrit sensiblement les nations, pendant que la clandestinité devient pour les adeptes un mode de vie. On ne sait pas encore quelle fin aura cette situation chez nous, mais dans ce vieux mythe grec le peuple se révolta, après avoir consulté l‘oracle pour connaître l‘origine de leurs malheurs, renversa ce souverain infanticide et le mit à mort, en l‘écartelant sur les hauteurs du mont Pangée – là où aussi mourut Orphée. Et après, non seulement la vigne, le vin, l‘ivresse trouvèrent leur place en Thrace, furent à l‘honneur dans les fêtes et banquets, mais le pays renoua avec la prospérité, sous la protection bienveillante de Dionysos le Libérateur. Il y a deux mile cinq cents ans, ces Grecs de l‘Antiquité avaient bien compris, eux, qu‘il n‘y a pas de société sans ivresse conviviale, et que la prohibition n‘apporte que désolation là où elle sévit. Evohé !

par Didier Daimonax

 

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