lundi, 1. juillet 2013

Feindre de feindre afin de mieux dissimuler

Alors que rien ou bien peu pouvait laisser supposer une parution si rapide, le 7 Juin est sorti le décret 2013-473 modifiant l’article R 5132-86 du code de santé publique, concernant les opérations portant sur le cannabis ou ses dérivés:

rbh23_10_feindredefeindreObjet: permettre la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché à des médicaments contenant du cannabis ou ses dérivés, conformément à la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

Entrée en vigueur : le présent décret entre en vigueur le lendemain de sa publication.

Notice : le texte modifie l’article R. 5132-86 du code de la santé publique pour permettre au directeur

général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’octroyer une autorisation de mise sur le marché à des spécialités pharmaceutiques à base de cannabis ou ses dérivés et autoriser les opérations de fabrication, de transport, d’importation, d’exportation, de détention, d’offre, de cession, d’acquisition ou d’emploi relatives à ces spécialités.

Bonne nouvelle de voir ainsi subitement reconnaître les vertus thérapeutiques d’une plante jusqu’alors chargée de tous les maux, dont un usage médicinal identique entraînait il y a peu des condamnations pénales.

C’est pourquoi il faut tout de suite bien réaliser que cette modification ne concernera que les produits issus de laboratoires, comme ceux de Bayer par exemple, qui a déjà fait plus d’une cinquantaine de demandes étalées dans le temps pour tenter d’ouvrir le marché français à son SativexTM. Et aussi prendre en compte que le SativexTM ne correspond pas à tous les besoins des nombreux patients qui se servent du cannabis comme adjuvant nécessaire aux traitements qu’ils suivent.

Comme cette démarche est suivie par l’ANSM, cela laisse augurer un remboursement par la sécurité sociale, ce qui éviterait un clivage social entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne pourront pas utiliser ce produit. Pour ne pas trop effaroucher certains, dont le président de Parents contre la drogue, qui déploraient au début des tractations laboratoires vs Etat «une première étape vers la dépénalisation» le ministère de la Santé s’est empressé de préciser que la prescription ne se fera que pour «certains patients bien définis et selon des modalités très encadrées».

Et dans le même temps, madame Touraine réaffirmait sa plus ferme opposition à l’usage dit récréatif. Mais il est intéressant de noter que pour la première fois depuis bien longtemps le cannabis n’est plus uniquement considéré comme un stupéfiant abominablement dangereux. La France ne pouvait raisonnablement pas continuer à se singulariser de cette manière rétrograde parmi les pays d’Europe.

On peut également penser que ce décret est aussi la partie 2 d’un dispositif commencé par l’Intérieur en avril dernier, lorsque Manuel Valls annonça qu’il souhaitait, pour résorber le trafic, dissuader les acheteurs de cannabis. Un dispositif expérimental dans plusieurs Zones Prioritaires de Sécurité, visant à faire payer une amende aux consommateurs pris sur le fait d’achat, ou de possession avait été mis en place et le ministre parlait de le généraliser. Cela n’avait pas fait grand bruit. Sauf chez les usagers qui avaient crié au racket. L’idée n’était pas neuve. La formulation restait surprenante puisque elle prétend que la consommation détermine à elle seule l’offre. Mais c’était bien le premier vacillement de la criminalisation de l’usage.

On s’aperçoit donc qu’il y a bien en apparence une volonté de s’attaquer à ce «fléau social des banlieues» sur lequel le maire de Sevran entre autres essaie avec désespérance d’attirer l’attention des pouvoirs publics. Les malades auront Bayer, peut-être d’autres labos aussi sait-on jamais si ils arrivent à se partager intelligemment le marché lucratif. Les usagers libéreront les tribunaux et n’engorgeront plus les prisons tant qu’ils peuvent payer. Rapidement, les mafias mettront en place d’autres systèmes de livraison, plus discrets, ce qui renchérira sans doute un peu le prix de la marchandise mais que ne ferait on pas pour avoir la tranquillité . C’est déjà ce qui se passe dans certains milieux plus favorisés socialement.

Les halls des cités retrouveront un décor calme et familial. Sauf qu’il est facile de voir que rien ne changera véritablement dans la régulation du cannabis, brave plante bien utile pas seulement pour soigner, loin de là, agréable à consommer, sans danger aucun tant qu’on ne la «survitamine» pas inconsidérément et qu’on la consomme entre adultes consentants dans le respect de quelques règles de base. Simplement on aura agité quelques plumes d’autruche pour la façade, et faire croire à l’obtention d’une résolution. Alors qu’il ne s’agissait que de masquer l’incapacité ou la non volonté de s’attaquer au problème.

Ce qui est difficile au point où cela est arrivé, il faut bien le reconnaître, à cause des multiples paramètres qu’il faut de plus en plus prendre en compte. Cela vaudrait pourtant la peine d’essayer de s’y mettre activement, avant que ce ne soit devenu totalement impossible de faire infléchir quoi que ce soit.

Bien sûr, il vaut mieux avoir une simple contravention qu’être traîné devant un tribunal un peu frileux. Bien sûr les malades de sclérose en plaques, cas sur lequel le SativexTM agit le mieux pour la douleur, doivent être satisfaits. Mais qu’en est il des autres ? Constatons donc ces avancées minimes qu’il ne faut pas négliger.

Faut il s’en réjouir benoîtement, rien n’est moins sûr. Parce que cela ne règle presque rien du tout. En aucun cas les ravages sociaux provoqués par le trafic qui saura maintenir l’offre tentante, même si il la dissimule davantage. Les adolescents en mal d’existence pourront toujours trouver cet adjuvant commode qui ne résout pas les problèmes mais permet de mieux les supporter.

Et, pour revenir au thérapeutique, quel réquisitoire devra adopter un procureur quand passera en jugement un malade résorbant ses maux en utilisant de l’herbe naturelle cultivée honnêtement par ses soins ? A quand un véritable débat public et parlementaire, dédramatisant et courageux, demandé depuis plus de vingt ans, s’efforçant de trouver des solutions enfin efficaces pour remédier au gâchis de la prohibition …

Rêve inaccessible pour l’instant si l’on en croit un hebdomadaire mettant en évidence chez le ministre de l’Intérieur des raisons d’obstination probablement affectives mais bien peu rationnelles.

 par Ananda

Une réponse à «Feindre de feindre afin de mieux dissimuler»

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