lundi, 10. octobre 2011

La presse avec un oeil de sirius: Quand un média prend position dans le débat

p03_sirius02_raph_rbh23N03Comme en écho à la préoccupation exprimée dans notre première chronique, la Fédération Française d’Addictologie, sensible à l’importance des notions employées dans le débat sur le cannabis, a publié des « éléments de langage pour sortir de la confusion et des malentendus ». Mise au point salutaire qui « [précise] les termes utilisés pour définir des mesures et des changements possibles de politique envers les drogues » (Cf. http://petitlien.fr/ffasemantique).

Examinons maintenant quelques moments significatifs où le cannabis a surgi dans l’a ctualité, et de quelle manière, en quels termes.

« Le Monde Magazine » daté du 3/9 consacre un dossier de six pages au cannabis. Titre de Une : « Cannabis : pourquoi la loi ne change pas », avec comme illustration le dessin d’une feuille de chanvre au « visage » triste, derrière les barreaux d’une cellule, suscitant l’empathie : presque une « présentation d’un produit stupéfiant sous un jour favorable »! Une longue analyse, signée Jean-Pierre Géné, est intitulée : « La France accro à la prohibition ». Formulation choc d’autant plus remarquable que le mot-clé crucial de « prohibition » est quasiment absent du vocabulaire journalistique. L’auteur, ancien de « Libération » et co-auteur de « l’Appel du 18 joint » originel, regrette l’inaction des politiques français malgré la mobilisation mondiale croissante. Mais son implacable réquisitoire est une leçon d’humilité pour le militant idéaliste d’aujourd’hui : non seulement il passe sous silence toute l’action militante menée en France depuis 1993, mais cet « ancien combattant » de la cause cannabique semble avoir perdu toutes ses illusions. Comme un éloge à la résignation…

Dans un article du même dossier (« À Sevran, les dealers font la loi ; pour leur couper l’herbe sous le pied, le maire prône la légalisation »), F. Joignot peine à (se) convaincre du sérieux de la proposition, au-delà du jeu de mots. Et si les dealers font la loi, c’est d’a bord la loi qui fait le dealer, et génère les effets pervers que l’a uteur déplore. Il s’interroge : la légalisation, « une utopie ?» (la réalité de demain…). Il enjoint ses partisans de « répondre aux parents inquiets » de l’ajout « d’un nouveau stupéfiant légal », aux effets nocifs et à la qualité souvent douteuse. Ou comment se tromper de responsables…

Le cannabis comme argument de stratégie électorale

Dans le débat entre les candidats à la primaire PS, le thème de la dépénalisation du cannabis est devenu aussi bien un indice de « progressivité » des candidats favorables (Baylet), qu’à l’inverse, une marque de droiture et de légalisme pour les opposants (Royal, Montebourg, Valls). Hollande botte en touche (suggérant un débat européen) et Aubry se dit pour, après avoir été contre. « Le Monde » du 17/9 déplore que ce « cannabis de la discorde » empêche un débat pourtant nécessaire sur la politique actuelle : « trop dangereux, apparemment ».

« Libération » a interpellé chaque candidat invité dans ses locaux. On retiendra que Baylet s’est dit surpris de la « bienveillance » du journal à son égard, au sujet de légalisation, et Montebourg a qualifié l’équipe de rédaction de « rois du chichon »… Et la droite d’ironiser : « grâce à la légalisation des stupéfiants, les dealers seront devenus d’aimables commerçants auxquels les policiers rendront des visites de courtoisie » (B. Beschizza, secrétaire de l’UMP à la sécurité). Il ne croit pas si bien dire.

Le cannabis comme critère «d‘efficacité» de l‘activité policière

La presse, choquée, a largement commenté l’affaire Neyret, ce policier ripou qui a franchi la ligne jaune en se fourvoyant avec des voyous. Un syndicat de commissaires a « [mis] en garde ceux qui utiliseraient des éléments parcellaires à partir d‘un cas isolé pour conclure hâtivement à l‘échec des politiques de lutte contre les trafics de stupéfiants. » (Le Monde, 2/10). Qu’il se rassure ! Non seulement les mauvaises langues n’ont pas attendu cette histoire pour le faire, mais nul média n’a rappelé que la ligne jaune est allègrement franchie depuis 40 ans.

(À suivre…)

Par Raph

 

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