mercredi, 7. décembre 2011

Pour une ATU – Soyez hyper patient

Le 15 décembre 2010 lors d‘une Réunion Publique d‘Information « RéPI » organisée par Act Up, le Dr Bertrand Lebeau est intervenu en faisant le point sur les raisons initiales et la réalité actuelle à propos de l‘utilisation médicale du cannabis. En voici quelques extraits publiés dans la revue Protocoles N°67-68.

Petite explication du Dr Lebeau des raisons principales pour lesquelles la médecine moderne a abandonné le cannabis :

p02_ATU_PA_rbh23N04« L’histoire du cannabis est compliquée. Le cannabis comme médecine a été abandonné bien avant la prohibition du cannabis comme drogue récréative. A partir de la fin du 19ème, on utilise de moins en moins le cannabis dans le champ médical. Et ce n’est qu’en 1937 aux Etats-Unis que le cannabis récréatif est interdit. Que s’est-il passé ?

Une brève histoire moderne des drogues, en remontant à deux siècles : la morphine est isolée de l’opium en 1805, ensuite pendant tout le 19ème siècle, on isole les principes actifs des plantes qui sont habituellement les alcaloïdes. On isole ensuite un autre alcaloïde de l’opium, la codéine. Puis la cocaïne vers 1860. Pour le cannabis, on ne comprend pas pourquoi, mais on n’arrive pas à en isoler le principe actif. Première difficulté. Deuxième difficulté : le cannabis n’aime pas l’eau et se lie plutôt aux graisses. Or à l’époque, un médicament moderne se présente sous forme de poudre, soluble dans l’eau et idéalement injectable. Le cannabis ne répond donc a aucune des caractéristiques de ce qui est en train de devenir, fin 19ème, début 20ème, un médicament moderne. Et c’est pour ces raisons-là qu’il est abandonné. L’autre raison qui explique cet abandon, est que l’usage de cannabis par voie digestive est lent et que ses effets sont extrêmement erratiques : selon les personnes, selon qu’elles aient mangé ou pas, on a du mal à avoir des éléments de reproductibilité. Il y a donc ce paradoxe : lorsqu’il est interdit comme drogue récréative, ça fait bien longtemps qu’il a disparu de la pharmacopée.

Le cannabis réapparaît à l’occasion de l’épidémie de sida, en Californie dans les années 80, avec une de ses propriétés intéressantes qui est son effet orexigène, de stimulation de l’appétit. On dispose de substances puissantes pour couper l’appétit (cocaïne, amphétamines, etc.) mais peu stimulent l’appétit.

 

Et en France aujourd‘hui ?

De quelle manière peut-on avoir accès à un traitement à base de cannabis ?

« Peu de temps avant qu’il quitte le Ministère de la Santé, vers 2001 ou 2002, Bernard Kouchner a demandé à ce qu’il y ait un accès possible au cannabis thérapeutique en France. Un dispositif a été mis en place mais très contraignant : l’ATU nominative. Contrairement à l’ATU de cohorte, elle est donnée à une personne, pour une situation particulière et habituellement pour une durée limitée. On peut avoir accès par cet ATU au Dronabinol, le Marinol®. Problèmes de cette ATU nominative : 1) la plupart des médecins ne savent pas qu’elle existe 2) quand on veut la demander pour une personne on se rend compte qu’elle a été faite pour dissuader les médecins de l’utiliser. A ma connaissance il n’y a pas de liste explicite de pathologie relevant de cette ATU nominative. Donc, lorsqu’on fait une demande concernant un patient, il y a une réponse de l’AFSSAPS – l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé – et il y a une unité des ATU et à l’intérieur de cette unité une personne qui est en charge des ATU de Marinol® – on reçoit une réponse dans laquelle on nous demande une bibliographie, et/ou une liste de médicaments que le patient a essayés. On doit donc justifier longuement cette demande et on finit par abandonner. (…) Aujourd’hui, environ quatre-vingt personnes ont eu accès à du Marinol®. Et il y a eu quelques demande de Sativex® qui ont toutes été refusées, sans qu’on sache pourquoi, à ma connaissance. Ce qu’il faudrait, c’est submerger l’AFSSAPS de demande d’utilisation.  ».

 

Dans le N°763 de l‘hebdomadaire Marianne, daté du 3 au 9 décembre 2011, Anna Topaloff signe un article de six pages intitulé « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le cannabis ». Dans un encadré consacré à la question de l‘usage thérapeutique du cannabis, on apprends que « seules cinq demandes [Ndlr : d‘Autorisation Temporaire d‘Utilisation] ont été acceptées en 2011 ». Interrogée par la journaliste, Chantal Bellanger de l‘AFSSAPS explique « il faut que tous les traitements existants aient été testés sur le patient et qu‘ils n‘aient pas marché ». Si comme le relève Marianne, « pour les malades français c‘est donc le système D qui prévaut », précisons qu‘on joue à la roulette russe avec une personne souvent en situation de détresse.

 

Constat pratique

La seule possibilité pour un traitement à base de cannabinoïdes est l’ATU nominative (Autorisation Temporaire d’Utilisation) délivrée par l’Afssaps (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé).

Seul le Marinol© en gélules de 2,5mg de THC (Tétra Hydro Cannabinol) est délivré alors qu’existent des dosages de 5 et 10 mg, de plus la liste des pathologies permettant l‘accès au Marinol© est plutôt limitative. L’immense majorité des médecins hospitaliers ignorent son existence, les autres sont découragés par la lourdeur de la procédure. Rien d’étonnant, aujourd’hui, si une centaine de patients seulement en bénéficient.

En France, ni le Sativex©, spray sublingual contenant du THC et du CBD (Cannabidiol), ni le Bedrocan©, fleurs de cannabis répondant aux normes des produits botaniques à usage médicinal avec trois dosages de THC/CBD, ne sont accessibles.

 

Pour lire l‘intégralité de cette importante contribution, consultez le site internet de l‘association de lutte contre le SIDA , Act Up : www.actupparis.org/spip.php?article4662

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