jeudi, 5. décembre 2013

Dommages collatéraux – Sous prétexte sécuritaire, on expulse des HLMs…

Dans une quasi indifférence, la cour d’appel de Versailles a rendu le mardi 8 octobre un jugement proche de l’inadmissible, qui risque de faire jurisprudence.

rbh23_12_03_HLMLes familles dont un membre se livre au commerce du cannabis peuvent être expulsées des HLM qu’elles habitent. Ce jugement qui concerne Boulogne Billancourt fait écho à la «victoire» obtenue par les HLM de Saint Denis qui avaient expulsé en juin dernier «une famille troublant gravement l’ordre public». Probablement bien d’autres cas existent.

Cela correspond à la manière très personnelle dont le Ministre de l’Intérieur prétend résoudre le problème de la drogue et du cannabis en particulier : s’acharner sur les usagers lambdas, traquer et punir les petits dealers, emprisonner dans un but d’exemple quand on ne sait pas quoi faire, mais ne pas s’attaquer aux mafias qui organisent et tiennent les trafics.

On reconnaît là la sensibilité sociale dont a toujours fait preuve le Ministre, plébiscité par la droite, ce qui est normal au vu de ses proches conseillers, comme par la gauche… Celui qui, d’après le Canard Enchaîné, a fait «nettoyer» la rue de la Roquette des post punks qui y traînaient pour que sa femme puisse aller parfois faire ses courses à Franprix ou Monop sans risquer d’être importunée ou que sa vue ne soit blessée, mais qui laisse dormir sur les mêmes trottoirs, sous de petites couvertures, des enfants avec leurs parents. Sans doute à cette heure-ci le chauffeur doit éviter la rue. Les HLM de banlieue n’ont rien à voir avec la majorité des HLM parisiens. Ceux qui y habitent n’ont pas souvent d’autres choix. Mettre des familles à la rue, sans possibilité de relogement à bas prix autre que par des associations caritatives submergées, pour masquer vertueusement l’impossibilité gouvernementale de se sortir de l’imbroglio du problème du cannabis, ne résout rien en plus, sauf renforcer le désespoir de familles qui n’ont aucun repère à quoi s’accrocher.

A force d’avoir toléré le trafic comme variable d’ajustement économique des banlieues, et, par conséquence, avoir laissé les mafias prendre le contrôle de la situation, à force de se désintéresser des inégalités sociales, à force de laisser en friche une scolarité inadaptée, à force de désindustrialisation irresponsable, il a été créé une situation difficilement gérable, surtout en période de crise financière dont les choix de résolution ne vont que pénaliser davantage cette population, et aggraver lourdement la situation.

On en arrive à ce type de scandale, interdire de logement social public des familles désemparées, ce qui solutionne aucunement le problème du deal des cités. Cela déplace juste un peu les lieux. C’est de la simple fuite en avant. La peur de l’expulsion n’arrêtera même pas les trafics…

Mettre à la rue des familles dont les conditions de vie étaient déjà difficiles n’est pas une victoire, comme le prétendait Stéphane Peu adjoint de Saint Denis en juin dernier, dans le même moment où il recevait la Légion d’Honneur.

Ce n’est que la manifestation d’une éclatante faillite sociale et sécuritaire, de l’incapacité condamnable à prendre le temps de gérer les problèmes qu’engendre une politique prohibitionniste stigmatisant systématiquement la France d’en bas chère à Raffarin.

 

par Ananda

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