lundi, 9. décembre 2013

Pour dépasser l’inertie actuelle – Faut-il dépénaliser le cannabis?

Le petit livre cosigné par Ivana Obradovic, Jean Costentin, Alain Riguaux et Laurent Appel, paru en octobre aux éditions le Muscadier dans la collection «le choc des idées», n’a sans doute pas eu le retentissement nécessaire.

Le concept de la collection, la confrontation d’idées antagonistes, permettant de faire rapidement le tour d’une question est tout à fait stimulante.

Faut-il dépénaliser le cannabis ?

Toutefois on a facilement l’impression que les dés sont un peu pipés, en faveur de la position dominante parce que gouvernementale. Puisqu’au lieu de laisser chaque partie s’exprimer comme elle l’entend sur la question, et permettre ainsi au lecteur une libre réflexion, J. Costentin, sous on ne sait quel prétexte, use en plus d’un droit de réponse dans lequel il s’abandonne à une critique frôlant l’agression de ceux qui ne partagent pas son point de vue. Cela nuit un peu à l’objectivité annoncée par l’éditeur.

Premier intervenant du débat, Jean Costentin, membre des Académies nationales de médecine et de pharmacie, termine sa belle carrière comme président du Centre National de prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies. Son argumentaire n’est pas très nouveau, il l’a développé généreusement lors d’interventions nombreuses. On retrouve donc l’implorant appel à la protection de «nos jeunes», la description à charge minutieuse de tous les maux physiques et psychiques imputables au cannabis, les dénonciations contemptrices d’ approches plus pragmatiques la plaidoirie pour les sanctions au nom de l’ axiome «là où il y a volonté, il y a un chemin».

La réponse à ce discours fermé sur lui-même, un tantinet obsolète, est donnée par Alain Rigaux, actuel président de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie et Laurent Appel collaborateur d’Asud.

Le premier parle du facteur humain indissociable malgré tout du problème de la consommation, de la dangerosité morale et sociétale d’une pénalisation qui ne remplit aucun de ses objectifs, de son échec en termes d’égalité citoyenne, et de la société parallèle qui se constitue dans la forte mouvance mafieuse sur laquelle les forces légales sont impuissantes apparemment à agir. Il prend en compte le problème de l’offre surabondante malgré la pénalisation et sa réflexion intègre l’évolution de la société sur des points criminogènes il y a quelques années mais qui se sont complètement intégrés légalement.

Alain Rigaux est pour une dépénalisation maintenant un interdit social, tout en tolérant l’usage privé pour adultes, mais encadrée par une politique globale et cohérente basée sur la réduction des risques et des dommages.

Par contre, Laurent Appel, journaliste connaissant bien la réalité du milieu cannabique, des usages qui s’y pratiquent, ne croit pas en la dépénalisation. Pour lui, elle est synonyme de ségrégation sociale, et laisse en suspens le sécuritaire et le socio-sanitaire. Il est pour une légalisation pragmatique. Pour lui, l’auto-production ou les clubs relevant de la charte d’Encod ne règlent en rien la question fondamentale de l’économie des quartiers. Celle qui bloque vu l’ampleur du désastre qu’on a laissé aveuglément s’établir, toute approche efficace d’une analyse qui voudrait éviter cet état de fait.

Il propose un changement radicalement innovant qui pourrait se révéler efficace, avec la création d’une Agence publique du cannabis qui contrôlerait une filière de Sociétés Coopératives d’Intérêts Collectifs dont il explique la complémentarité dans le fonctionnement. (à noter que dans son numéro spécial 2053, Libération reprend cette formule de «New Deal» et évoque la validation d’acquis pratiques permettant de recycler après complément de formation, les actuels apprentis chimistes, commerciaux, agents de surveillance, etc.).

Cette proposition complètement discordante aux discours actuels mériterait pourtant qu’on s’y attarde avec objectivité, ne serait ce que parce qu’elle reflète les tendances profondes qui commencent à poindre un peu partout.

«Faut-il dépénaliser le cannabis ?» mérite donc d’être considéré avec attention aussi bien dans la partie états des lieux d’Ivana Obradovic, que pour les motivations étayées d’Alain Rigaux et Laurent Appel. Et il ne coûte que 9€90 !

PS. A lire également la tribune de J. P. Couteron, président de la FFA , dont le titre en soi synthétise l’ensemble du contenu . http://www.rue89.com/2013/11/01/faut-depenaliser-cannabis-limprecateur-soigneur-new-dealer-247121.

 

Le prochain numéro de [RBH]²³ rendra compte de How regulate cannabis guide juridique pratique peaufiné par Transform UK pour la régulation de l’usage non médical.

 

par Ananda

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