mardi, 10. décembre 2013

Tour du monde – La légalisation du cannabis en marche

Partout, la légalisation du cannabis est d’actualité, sur tous les continents, le mur de la prohibition se fissure au nom d’une autre forme de régulation, avec des arguments pragmatiques, et surtout une volonté de faire changer les choses qu’auparavant on pensait illusoire…

Une tendance lourde et historique

rbh23_12_02_tourdumondeLe «Nouveau grand rêve américain» passe par le développement de l’industrie du chanvre, cannabis, marijuana… cher à Jack Herer. C’est le titre en Une du Denver Post, à propos d’une réunion historique d’un groupe d’investisseurs… Arc View Investors Network, dont le PDG, Troy Dayton, ouvrait l’assemblée en explicitant les perspectives de cette réunion d’une soixantaine d’investisseurs : «le prochain grand rêve américain est lié à l’essor de l’industrie du chanvre». Steve De Angelo, co-fondateur d’Arc View a nuancé en affirmant que «cela dépendra de notre capacité à gérer nos affaires de manière cohérente et responsable avec les évolutions dans le pays». Au même moment les Français découvraient la Une du Courrier International N°1195, sans équivoque : «Cannabis, bientôt en vente libre» annonçant qu’en janvier 2014, il sera possible de produire, vendre et donc consommer du cannabis légalement à Montevideo (Uruguay), Seattle et Denver (USA).

Comme pour bien préciser les enjeux économiques en cours aux Etats Unis, et l’importance des évolutions politiques, l’analyse du laboratoire que constitue l’expérience en cours dans l’Etat du Colorado est hi-sto-ri-que.

En effet, nous ne sommes pas les seuls «à regarder cette transformation de près, le reste des Etats-Unis regarde attentivement le Colorado», explique The Guardian, parce que l’industrie du cannabis pourrait représenter entre 45 et 100 milliards de dollars (33 et 74 milliards d’euros) selon les économistes.

Un peu en écho de mon ami Chakib El Khayari qui envisage que son pays, le Maroc, devienne un des leaders mondiaux de chanvre aux fins thérapeutiques et industrielles, bref que cette culture ne profite plus aux trafiquants, mais nourrisse et améliore les conditions de vie des millions de Marocains. «Le Maroc songe à légaliser la culture du kif», indiquait Le monde où Isabelle Mandraud résumait les évolutions au Maroc. Le 4 décembre 2013, au Parlement, un groupe interparlementaire auditionnera quelques experts. L’horizon semble totalement dégagé pour que cette question devienne réalité aux portes de l’Union européenne, d’ici 2015.

Une fois de plus, un des membres actifs de la Commission Globale sur la politique des Drogues, le PDG de Virgin, Sir Richard Branson, est remonté au créneau pour dire haut et fort que la «Guerre aux drogues est en échec et que la décriminalisation est la réponse». Une réponse qui devient réalité… Comme son spot décrivant «la chaîne transparente» qui se met en œuvre aux Pays Bas.

Au passage il faut noter que Kofi Annan, l’ex- secrétaire général des Nations Unies a livré le dernier rapport de la Commission Globale sur la Politique des Drogues, à propos de la situation en Afrique de l’ouest.

En Tunisie, dans le tumulte de la Révolution, la question de la légalisation est aussi d’actualité. «Au rythme actuel, il faudrait mettre la moitié du pays sous les verrous», observe l’un des signataires d’une pétition pour la dépénalisation du cannabis. Désormais la consommation de drogues illicites n’est plus un phénomène mondain, toutes les couches de la population sont concernées et plus particulièrement les jeunes, dans le collimateur de la police. Prohibée depuis l’indépendance, la consommation de chanvre ou takrouri est restée dans la mémoire collective comme une coutume non nocive et conviviale, nous rappelle depuis Tunis Frida Dahmani pour le journal Jeune Afrique. «Dans les années 1930-1950, il était en vente libre dans de tout petits paquets. Il fallait le réduire en poudre fine. Planches et hachoirs étaient disponibles dans tous les cafés», se souvient El-Haj Sadok. Mais le temps des tkarlya – fumeurs d’herbe – est révolu. Aujourd’hui, le marché est demandeur de zatla. Si, contrairement au Maroc, la Tunisie n’est pas productrice de haschich, elle est devenue une étape de transit pour les filières, ce qui lui permet d’être servie au passage. « 80 % des quantités de cannabis sont réexportées. La voie terrestre, la plus usitée, part du Maroc à destination de la Libye, via l’Algérie et la Tunisie.

Quelques îles en ébullition

Maurice

Après une manifestation lundi 18 novembre 2013 au cœur de Port-Louis pour demander une dépénalisation du cannabis, qu’on appelle localement «gandia», la communauté rastafari de l’île Maurice, via le mouvement «La Voix des Rastas», s’est adressée directement aux autorités pour demander la dépénalisation du cannabis dans l’île, parce que la consommation du gandia fait partie de leur «culture, philosophie et religion».

Dorian Olivier, porte-parole du mouvement sur l’Ile Maurice, a affirmé que la communauté rastafari était prête à faire une grève de la faim, si les autorités ne répondaient pas concrètement.

«La Voix des Rastas» organisera prochainement «des marches pacifiques» à Port-Louis pour défendre «l’usage spirituel» du cannabis, comme l’indiquait le journal Le Défi Quotidien.

 

Jamaïque

Mi-septembre, le Ministre de la Justice, Mark Golding déclarait que le «gouvernement serait amené à faire des efforts sur la légalisation», et indiquait «étudier la question de manière dynamique pour une évolution rapide».

Au même moment, une conférence internationale s’ouvrait à Kingston, à l’initiative des associations jamaïcaines demandant au gouvernement de décriminaliser et de réglementer la consommation de la ganja sur l’île natale de Bob Marley, pour envisager les perspectives de commercialisation du cannabis comme remède à la crise économique.

 

Irlande

Un parlementaire irlandais, Luke «Ming» Flanagan a soumis un projet de loi visant à légaliser le cannabis.  «L’Irlande est prête pour la légalisation du cannabis» déclarait-il confiant lors de son point presse au journal Irish Times, pour le lancement de sa proposition de loi.

 

La proposition visait à autoriser les usagers du cannabis irlandais à détenir jusqu’à une once (28g) de cannabis et à cultiver un maximum de 6 pieds à des fins domestiques. Les Cannabis Social Clubs, groupes de consommateurs de cannabis produisant collectivement de l’herbe pour la partager ensemble auraient été autorisés.

Discutée en Assemblée le 8 novembre 2013, elle a été rejetée, au grand dam des activistes pro-cannabis, estimant que l’Etat englouti des millions inutilement, alors que la vote de cette loi aurait pu lui rapporter des centaines de millions d’euros, bénéfiques pour l’ensemble du pays.

 

Nouvelle Zélande

La Nouvelle-Zélande a pris conscience d’un phénomène émergent aux conséquences majeures pour la population. Elle s’apprête donc à créer l’un des premiers marchés ouverts et réglementés de drogues récréatives dans le monde. On le voit les Nouveaux Produits de Synthèse (NPS) offrent une opportunité de tester de nouvelles solutions de régulation qui ne passeraient plus par la pénalisation de l’usage et de l’usager.

Le projet de loi néo-zélandais sur les substances psychoactives vise une industrie légale mais incontrôlée qui aurait engrangé 250 millions de dollars en 10 ans en vendant des produits imitant les effets des substances illégales comme le cannabis et l’ecstasy.

Le but premier de cette loi est de protéger les jeunes. Mr Dune, le ministre de la santé déclarait à ce propos : «Je suis tout à fait sans complexe sur ces grands changements qui rendent les choses plus sûr pour les jeunes Néo-Zélandais… Le problème dans le passé a été que nous avons eu un marché totalement non régulé avec qui sait quelles substances contenues dans ces produits».

Le projet de loi est aussi un projet de réduction des risques. Il y a un retournement de la preuve : l’Etat n’a plus à prouver que les substances sont dangereuses, mais le fabricant doit prouver par des études sur les humains et les animaux, coûtant jusqu’à 2 million de dollars chacune et dont il assume le coût, que ses produits sont à «faible risque» (et non pas «sans risque»).

Alors que le monde découvrait ce fabuleux rapport édité par Transform UK, la 20ème conférence qui se clôturait le 29 novembre à Wellington, mettait en confrontation directe sur scène, deux des « Titans » de la politique mondiale en matière de drogues. D’un côté, l’américain Kevin Sabet, pour une «approche intelligente du cannabis», et auteur de Reefer Sanity: Seven great myths about marijuana. (Ndlr : une sorte de Lebigot yankee mais beaucoup plus sérieux), face au britannique Steve Rolles, de la Fondation Transform Drug Policy, auteur de How to regulate cannabis: A practical guide.

 

SOURCES :

http://www.mjnewsnetwork.com

http://www.denverpost.com

http://www.courrierinternational.com

http://www.slate.fr

http://www.lemonde.fr

http://metro.co.uk

http://www.jeuneafrique.com

http://www.zinfos974.com

Pour lire le projet de loi irlandais : www.irishtimes.com/news/politics/ireland-ready-for-legalisation-of-cannabis-1.1571857

http://www.davibejamaica.com

http://drogues.blog.lemonde.fr

http://www.tdpf.org.uk

 

par FARId

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