mercredi, 6. juillet 2011

Conversation avec un modeste cultivateur silencieux

Rencontré par hasard au fin fond d‘une banlieue provinciale résidentielle, il n‘est ni noir ni arabe, mais ne deale pas non plus. Il se contente de cultiver gentiment quelques plantes auxquelles il apporte une attention quotidienne.

Il s‘y est mis un jour, par esprit d‘indépendance, recherche de qualité, et pour ne pas dépendre de la rue, des trafics, d‘éventuelles contraintes policières ou autres. Il a commencé par une culture extérieure, mais pratique maintenant aussi un peu d‘indoor.

Dans les deux cas avec un esprit résolument « bio », n‘utilisant que des engrais minéraux ou organiques. Ce type d‘engrais n‘est pas si facile à trouver couramment, mais il y tient beaucoup, en dépit du tarif. « La qualité, c‘est comme la liberté, ça n‘a pas de prix »

Et il devient de plus en plus adepte de l‘hydroponie, bio bien sûr, en raison de sa recherche méticuleuse de produit aseptisé. Il prétend que la culture est passionnante parce qu‘elle réserve toujours des surprises, et que le secret c‘est de « bichonner » ses plantes.

Pudiquement, il n‘a pas voulu confirmer leur parler gentiment ni indiquer leur cd préféré…. mais tous les soirs , après son travail, il s‘accorde un long moment d‘entretien de leur santé.

L‘indoor l‘intéresse particulièrement car son ambition est d‘arriver à une production « désinfectée ». Il utilise d‘ailleurs pour cela un appareil de laboratoire dont il est assez content. Cela lui permet d‘obtenir un produit presque stérilisé qui conserve néanmoins toutes ses qualités.

Il s‘est lancé aussi dans la transformation du produit et privilégie la teinture mère, pour laquelle il ne tarit pas d‘éloges. Bien évidemment, cette culture a également un but thérapeutique. Lui même souffre de contractures musculaires assez violentes, et en mélangeant un certain nombre de gouttes avec de l‘huile d‘olive, bio comme il se doit et à la provenance dûment répertoriée, il arrive à soulager rapidement ses douleurs par massages. Mais il n‘a jamais voulu donner le nombre exact de gouttes, prétendant que cela dépend des cas. Une de ses amies, atteinte de lupus profite également des bienfaits de sa teinture mère qu‘elle utilise en inhalation avec la même efficacité, dit il.

Au cours de la conversation, il évoque aussi avec une expression rêveuse, ce qu‘il a entendu raconter dans un de ses voyages, sur les vieilles traditions marocaines, festives, avec les « fumoirs à encens » desquels paraît-il se dégage une fumée propice aux palabres et aux mélopées, dans une ambiance détendue et conviviale.

Il n‘a pas encore tenté l‘utilisation des graines en tant que telles en cuisine, mais si il en avait l‘occasion aimerait bien vérifier leur qualité nutritive, tout en spécifiant que cela voudrait dire qu‘il soit devenu plus riche et puisse avoir une surface de production conséquente. Aucune augmentation de son salaire n‘est envisageable pour l‘instant, ce qui l‘arrange aussi parce qu‘il ne serait pas si facile de réorganiser ses petites plantations. Les directives européennes sur les plantes médicinales l‘embêtent un peu. Il ne les comprend pas trop, s‘étonne de la puissance vorace des laboratoires, et sa confiance en l‘Europe est légèrement ébranlée…

 

Après nous être séparés, il me revient malgré tout une impression de déjà vu, et la figure de ma grand tante avec ses pots de salvias blancs alternant sur sa petite terrasse avec des plants de tabac également blancs, et de magnifiques branches de persil plat me revient à l‘esprit. Le même genre de conversation sur les soins que demandent les plantes, l‘importance mesurée de l‘engrais, etc. Finalement combien sont-ils comme lui, tranquilles, (quasi)citoyens modèles, amateurs de jardinage avec des petits particularismes, ici le bio stérile, refusant la chimie médicamenteuse pour leurs problèmes de santé, des réflexes un peu à l‘ancienne.

Sachant ce que l‘on sait sur la non dangerosité du cannabis sativa L et ses effets bénéfiques potentiels, est-ce bien réellement utile de s‘enfoncer dans des poursuites à finalité judiciaire alors qu‘une information délivrée sous contrôle patenté permettrait d‘éviter des tâtonnements horticoles et en plus soulagerait certainement les caisses de la sécurité sociale. Combien de temps, cette question simple et facilement résolvable va-t-elle rester sans réponse ?

Par Ananda S.

IMAGE: Cannabis – Photo: © 2010 Peter Marks

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *