dimanche, 22. janvier 2012

La France néglige les droits fondamentaux

Plusieurs jugements tombés ces dernières années ont pu relaxer des consommateurs. Pendant ce temps des malades sont encore persécutés, tout comme la liberté d‘expression malmenée. Tour d‘horizon de la jurisprudence.

La loi française en matière de drogues est inspirée des conventions internationales classant le cannabis parmi les substances vénéneuses dépourvues de tout intérêt médical. C’est pour cette raison que l’utilisation du chanvre à des fins thérapeutiques reste si difficile.

Actuellement, la législation française, qui date du 31 décembre 1970, punit l’usage de cannabis de deux mois à un an de prison et jusqu’à 3 750 euros d’amende, et la cession ou l’offre en vue d’une consommation personnelle de cinq ans de prison et environ 76 000 euros d’amende. Se fournir en cannabis en France, au marché noir, ou bien à l’étranger vous met donc en situation d’illégalité.

L’autoproduction (la culture de plants de cannabis à la maison ou dans votre jardin) n’est pas non plus autorisée. Au minimum, elle peut vous faire tomber sous l’accusation d’usage ; si les quantités cultivées paraissent importantes, vous risquez d’être accusé de trafic.

Il faut noter que le trafic est punissable d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, ce qui place, en droit, la question des drogues au même niveau que celles du terrorisme et du proxénétisme (lois d’exception).

 

Essais thérapeutiques du cannabis

En France en juin 2001, Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la Santé, annonçait des expérimentations thérapeutiques sur le cannabis en France.

Deux programmes hospitaliers de recherche clinique ont depuis été attribués au service de médecine interne du centre Monte-Cristo (Hôpital européen Georges-Pompidou), dirigé par le Pr. Le Jeune, et au service de neurologie du Pr. Catherine Lubetzki à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Dix ans plus tard : personne ne s‘en souvient… Pas même les responsables en charge !

 

Jurisprudence

En mai 2001 le Tribunal administratif de Paris rejetait une requête déposée par le MLC (Mouvement de Légalisation Contrôlée), concernant l’importation de dix kilogrammes d’herbe de cannabis destinés à soulager les douleurs de dix personnes atteintes de maladies incurables. Le rejet invoquait une incompatibilité avec la Convention internationale de 1961 qui réprime l’importation de substances classées comme stupéfiantes, et déniait d’autre part au MLC la capacité à exercer un « contrôle scientifique et administratif » sur l’usage de cannabis à des fins médicales.

Le 27 juin 2002, un arrêt qui fait jurisprudence a été rendu par la Cour d’appel de Papeete, en Polynésie française. Celle-ci a relaxé un homme de 55 ans, paraplégique, qui confectionnait des tisanes au cannabis pour calmer ses douleurs. Le Tribunal de Grande Instance l’avait condamné à six mois de prison pour avoir détenu 305 pieds de cannabis dans son jardin. Mais la Cour d’appel s’est appuyée sur l’article 122-7 du code pénal qui spécifie « n’est pas pénalement responsable la personne qui face à un danger actuel accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne » pour relaxer sa « consommation de cannabis […] nécessaire à la sauvegarde de la santé ».

Au lendemain du 25ème Téléthon, qui se souvient encore de l‘association PRISAM et de son fondateur, Jérôme Tétaz -atteint de myopathie- admirable de bravoure. Mais c‘était avant que ses ennuis judiciaires stoppent son militantisme pour la reconnaissance de l’usage thérapeutique du cannabis. Son but était de développer un réseau d’information et d’entraide regroupant patients et médecins, sur une idée simple : faire en sorte que les médecins de patients qui demandent à être soignés avec du cannabis interdit en France les adressent vers des confrères à l’étranger.

 

Le cas 1001 jardins

A l‘époque, la Cour de cassation avait recadré les tribunaux de Lons-le-Saunier et de Besançon en leur rappelant l’Article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme garantissant un droit inaliénable, celui de la liberté d’expression.

En effet, selon ces juges à l’origine de la jurisprudence 1001 jardins, le fait de présenter le chanvre (y compris le cannabis indica sativa L.) sous un jour favorable ne constituait en aucun cas, un acte concret d’aide à autrui d’usage illicite de produits classés au tableau des stupéfiants !

L’arrêt « Mille et un jardins » faisait jurisprudence et il avait permis la relaxe d’autres gérants de magasins similaires, ce qui de fait représentait une entrave à la politique du gouvernement totalement aveugle et partiale en matière de consommation de psychotropes, alors qu’en France l’usage de produits psycho-actifs, quels qu’ils soient, atteint des sommets.

Le 22 novembre 2007, l’association était à nouveau convoquée par la Cour d’appel de Lyon qui avait repris le dossier à son point de départ, tandis que la boutique avait été close depuis la première condamnation en 2003 et qu’aucun fait nouveau n’est porté au dossier.

Jean-Christophe Memery a qui l‘on décernera la palme du citoyen « lanceur d‘alerte » de l‘année 2007 rappelait lors d‘une conférence de presse à Paris : « En dépit de toutes les campagnes d’informations plus ou moins alarmistes sur le cannabis, l’opinion publique s’est forgée sa propre opinion en la matière, basée sur des faits concrets. Une grande majorité admet qu’en comparaison l’alcool est bien plus dangereux et le tabac plus délétère. Que justifie cet acharnement à l’encontre d’un militant associatif, qui ose affirmer la nécessaire réforme de la Loi du 31 décembre 1970. Y-a-t-il un délit d’opinion pour une fraction de la population ? Bien que socialement et professionnellement insérées, ces milliers de personnes par crainte restent dans l’ombre, tandis que des citoyens courageux (et d’autres malchanceux) écopent de lourdes sanctions, affrontent des contrôles plus draconiens tel le fichage ADN, subissent des pressions aux conséquences dramatiques sur leur vie quotidienne ».

Mais l’hypocrisie règne. Si les statistiques sérieuses en France évaluent à 6 millions le nombre d’usagers qui usent de produits illicites, les consommateurs du cannabis psychotrope sont toujours considérés comme une minorité négligeable, et traitée comme telle.

Par faute de soutien, la jurisprudence « 1001 jardins » a été cassée, il aurait fallu recueillir les moyens pour déposer un recours près la Cour Européenne des droits de l‘Homme.

 

Quatre ans plus tard

Nous sommes en 2011, et mi-octobre, Jako défrayait la chronique avec son affaire. Sur le site de Rue89, la journaliste Audrey Cerdan lui consacrait un long article dont voici un extrait :

Relaxé par le tribunal au nom de sa « contrainte »

Le 13 avril, le tribunal correctionnel de Bourges prononce sa relaxe. Une « révolution » pour les avocats. Que dit le jugement ? « M. Simon a agi sous l‘empire d‘une contrainte à laquelle il n‘a pu résister. De ce fait, sa responsabilité pénale doit être écartée. »

Depuis, Jako s‘est fait faire un T-shirt avec cet article 122-2 du code pénal qui stipule qu‘il n‘est « pas responsable », donc innocent.

Fort de cette relaxe, dont il espère qu‘elle fera jurisprudence, et devenu sage après ses années de délinquance, il justifie son droit à consommer du cannabis « Je ne veux pas être un délinquant pour me soigner. C‘est la double peine. Je ne suis un risque pour personne à consommer mon cannabis, je n‘ai même pas le permis ! Mais je me retrouve à troubler l‘ordre public pour atteindre mon traitement, car je dois fréquenter des dealers, fumer une herbe où plein de trucs chimiques ont été ajoutés, et ça me coûte beaucoup plus cher que si je cultive moi-même. » Ce jugement lui a fait réaliser qu‘il y a « quelque chose de pas logique dans la loi » : étrange de le relaxer alors qu‘il a commis un acte puni par la loi.

Est-ce un premier pas vers un changement de la loi ? Le problème est qu‘en France, les partisans de la légalisation du cannabis demandent la légalisation pour tous et pas spécifiquement pour les malades…

Mais il en va autrement pour Olivier Asteggiano. Le 12 septembre, il était placé en garde à vue, après son interpellation brutale à son domicile, et la saisie de son matériel de culture et de ses plantes « médicament» favorites… Il est donc en situation de récidive, puisqu‘en 2009 dans des circonstances similaires, il clamait alors au juge « j‘ai besoin de mon médicament » ! Pour beaucoup de ses soutiens, la sanction est déjà grave. Cette épée de Damoclès sur la tête de ce père de famille atteint de la Sclérose en Plaque devrait s‘envisager comme une forme de torture.

Il est évident qu‘il existe une urgence coupable à ne pas aider les personnes atteintes de maladies graves, mais il faut aussi reconnaître que la base de l‘interdiction du cannabis repose sur une atteinte manifeste aux droits humains fondamentaux d‘abord, et sur des mensonges, comme par exemple de classer le cannabis et ses dérivés psychotropes dans le tableau des stupéfiants, au même niveau que l‘héroïne.

 

 

Ressources:

http://www.actupparis.org

http://asud.org

http://cannabissansfrontieres.org

 

Pour la nouvelle rubrique :

« mon premier rapport… avec le cannabis », envoyez vos témoignages contact@rbh23.com

Par FARId

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