mardi, 19. juin 2012

Débat européen: Comment faire sauter le verrou gaulois ?

François Hollande a botté en touche sur la question de la politique française en matière de drogues, en renvoyant ce débat « au niveau européen », tout en voulant conserver « l‘interdit », alors que la plupart de nos pays voisins ont dépénalisé la consommation. Or, en 2004, le débat au niveau du Parlement européen portait sur la définition d‘ une stratégie de l‘Union européenne jusqu‘en 2012. Le bilan est simple : on pourrait reprendre mot-pour-mot en actualisant les propositions du Rapport Catania, voté au Parlement européen le 15 décembre 2004. Voici la synthèse de quelques extraits, pour informer le futur président de la République.

PROPOSITION DE RECOMMANDATION DU PARLEMENT EUROPÉEN À L‘INTENTION DU CONSEIL

sur la stratégie antidrogue de l‘UE (2005- 2012) (2004/2221(INI))

farid en deabteuropDans ce document historique, le Parlement européen confirmait «qu‘en dépit des politiques mises en oeuvre jusqu‘à présent aux niveaux international, européen et national, le phénomène de la production, de la consommation ainsi que du commerce des substances illicites» avait «atteint un degré très élevé dans tous les États membres et que, face à cet échec, il est indispensable pour l‘Union européenne de revoir sa stratégie d‘ensemble en matière de stupéfiants». Le même constat devrait être tiré dans quelques mois. Or en 2004, c‘ est à l‘aveugle que la stratégie a été adoptée, puisque «ni l’O bservatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) ni la Commission» n‘avaient présenté de «rapport d’évaluation technique et politique (…) afin de vérifier si et dans quelle mesure les objectifs et actions formulés dans le cadre de la stratégie précédente ont conduit à des résultats». Le Parlement européen adressait «au Conseil européen et au Conseil, en vue de la définition de la future stratégie antidrogue de l‘UE (2005-2012) et, sur un plan général, pour la politique de l‘Union européenne en matière de drogue», les quelques recommandations suivantes dans une langue à base d‘euphémismes chers aux technocrates : Pour dire par exemple, «c‘est une catastrophe et il urge de s‘y prendre autrement», on écrira «prendre conscience du fait que les évaluations réalisées à ce jour sur les six objectifs primaires contenus dans la stratégie antidrogue de l’UE (2000-2004) ne font état d‘aucun objectif atteint et en tirer les conséquences politiques et législatives qui s‘imposent pour l‘élaboration de la stratégie communautaire en matière de lutte contre la drogue 2005-2012 et des plans d‘action connexes»;

Pour dire «comment agir différemment», on dissertera longuement :, on écrira : «asseoir davantage la nouvelle stratégie sur la recherche scientifique et sur une concertation approfondie et structurelle avec ceux qui oeuvrent sur le terrain dans les États membres», par exemple en intensifiant «la recherche scientifique et sociale sur les substances illégales à des fins médicales et sociales pertinentes ; en créant « une ligne budgétaire spécifique pour faciliter un processus permanent de consultation des organisations de la société civile concernées et des experts professionnels indépendants sur l‘impact de la politique antidrogue au niveau du citoyen». Tout cela pour «renforcer de façon exponentielle la participation et l’engagement des toxicomanes et des consommateurs de substances illicites, de la société civile, des ONG et du secteur bénévole ainsi que de l‘opinion publique dans la recherche de solutions aux problèmes rencontrés, plus particulièrement en associant davantage les organisations qui oeuvrent sur le terrain aux activités du Groupe horizontal „drogue“, en organisant chaque année une initiative européenne de prévention, et en prévoyant, sur une base expérimentale, des centres informels facilement accessibles en vue de réduire les dommages et mettre en oeuvre une stratégie antiprohibitionniste»;

Dans les toutes dernières pages, après avoir épuisé les lettres de l‘alphabet, on pouvait lire ces lignes magnifiques, toujours d‘actualité et si peu débattues pour «procéder à l’augmentation significative de l’aide au développement des pays producteurs de drogue au travers de la mise en oeuvre de programmes assurant le financement de cultures alternatives durables et de la réduction drastique de la pauvreté; examiner également la possibilité de favoriser et de protéger la production à des fins médicales et scientifiques d‘opiacés, par exemple, ainsi que prendre en considération la possibilité de lancer des projets pilote pour la production industrielle de produits licites dérivés des plantes couvertes par la convention de 1961, comme la feuille de coca et le chanvre indien». Pour «prévoir et assurer l‘accès à des programmes de substitution, en portant une attention particulière à l‘environnement carcéral, tout en encourageant l‘application de mesures de remplacement de l‘ incarcération pour les consommateurs de substances illicites ou pour les délits mineurs et non violents liés à ces dernières». ;

Et de manière claire et limpide, proposer une évolution révolutionnaire : «développer la recherche sur l‘usage de plantes actuellement illégales ou dans une zone grise, comme le chanvre indien, l‘opium ou les feuilles de coca, dans les domaines de la médecine, de la sécurité alimentaire, de l‘agriculture durable, de la constitution de sources d‘énergie alternatives, du remplacement de produits à base de bois ou de pétrole ou pour d‘autres fins utiles».

Bien entendu, le Parlement européen en stipulant de «réviser la décision-cadre relative au trafic de drogue afin de tenir compte des points de vue exprimés par le Parlement, dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité inscrits dans les traités», n‘ est pas dupe des pratiques de la Commission européenne et du Conseil européen qui généralement préfèrent ignorer les prises de positions des représentants élus.

Mais de toutes ces lignes, celles-ci sont à connaître par coeur par qui voudrait vraiment sérieusement inscrire à son programme une troisième voie possible, entre répression qui dit non et légalisation qui dit oui, pour une nouvelle forme de régulation. Il faudrait suggérer de «mener une étude scientifique sur les coûts et les avantages des politiques actuelles de contrôle des stupéfiants qui comporte en particulier une analyse du cannabis et de ses différents dérivés licites et illicites, afin d‘en évaluer les effets, le potentiel thérapeutique de même que les résultats de politiques de criminalisation et les alternatives possibles; une analyse de l‘ efficacité des programmes de distribution d‘héroïne sous contrôle médical à des fins thérapeutiques sous l‘angle d‘une réduction des décès liés à la drogue; une analyse des coûts économiques, juridiques, sociaux et environnementaux des politiques de prohibition en termes de ressources humaines et financières nécessaires à l‘application de la législation; une analyse de l‘ impact sur les pays tiers des politiques actuelles menées dans le cadre de la stratégie européenne aussi bien que du système mondial de contrôle de la drogue».

A méditer tranquillement.

Etant donné qu‘aucun parti ou responsable politique en France n‘en a tenu compte jusqu‘à maintenant, en faisant quelques mises à jour au document [REF : PE 347.270v03-00 (15/15) RR\549725FR.doc], cela pourrait servir de feuille de route originale pour la nouvelle stratégie de l‘Union européenne qui sera adoptée d‘ici la fin de cette année.

Avis à tous ceux qui cherchent à gagner des millions pour équilibrer leur budget.

 

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