vendredi, 1. juin 2012

Les partis et l‘abrogation de la loi de 1970

Comme on peut le constater, le débat sur la politique des drogues fait partie de ces « sujets à éviter » pour ne pas déplaire à l‘électorat… et comme on le voit seul le NPA a consenti à nous répondre. Finalement, d‘un point de vue antiprohibitionniste, ils paraissent ainsi les plus solides sur la question.

Il y a bien les Verts, mais ils ont l‘art de ne pas savoir mettre en valeur l‘ originalité et la pertinence un tantinet iconoclaste de leur programme. C‘est donc normal qu‘ils n‘aient pas jugé utile de nous répondre. Et pourtant, on sait qu‘ils disent des choses évidentes, depuis longtemps et qu‘ils posent les problèmes avec un point de vue différent. En menant notre recherche dans tous les programmes édités pour la présidentielle, Europe Ecologie-Les Verts sont les seuls à l‘écrire noir sur blanc au chapitre santé, entre soigner autrement et combattre les lobbies. Bravo !

Par contre les autres partis sont nettement moins diserts sur le sujet. Ne parlons pas de la droite qui traditionnellement reste hermétique aux évolutions sociétales en se drapant dans des principes dépassés. Les différentes têtes pensantes des micro-partis qui vont du centre à l‘ extrême-droite savent pourtant très bien que leur façon d‘aborder le sujet n‘a donné aucun résultat, au contraire, mais constatant une aggravation du phénomène, veulent croire qu‘un entêtement aveugle changera la réalité.

Néanmoins, il faut saluer la bonne volonté de Dupont-Aignan (Cf. page 6). Bien sûr, il ne fait que répéter les grosses bêtises véhiculées par le président de la MILDT. C‘est décourageant, à ce point, pourquoi s‘obstiner à nier une réalité qui n‘a quand même que peu à voir avec le trafic de fausses marques de luxe… Rien à attendre de ce camp, l‘esprit libéral d‘un Madelin est définitivement mort.

Quant à ce qui concerne la gauche, au Front de Gauche (Parti Communiste, Parti de Gauche, FASE, et autres) comme au Parti Socialiste, et Lutte Ouvrière compris, ils restent assez ambivalents, sauf le PRG qui s‘ affirme sur ce sujet comme un caillou dans la chaussure du PS. F. Rebsamen en charge d‘une réflexion au PS annonce une possible contraventionalisation sans doute inspirée par la proposition de loi sénatoriale votée en janvier 2012. Jean Luc Mélenchon assimile, lui, le cannabis aux nombreux autres psychotropes dont les français battent les records de consommation, ce qui aussi une manière de dédiaboliser les choses à quelques heures du premier tour de la présidentielle.

Bien que dans les prochains mois au niveau européen, et à la faveur des évolutions de la situation internationale (élections aux USA, position de certains pays en Amérique du Sud), cette question du débat sur « des politiques alternatives » risquent de peser sur le futur gouvernement français.

Si ils arrivaient à nouveau aux affaires, les expériences passées ont montré l‘ incapacité du PS à concrétiser leur projet sur ce sujet. On se souvient que Mitterrand avait inclus la dépénalisation du cannabis dans son projet électoral en 1981. Il aura fallu attendre 2011, le rapport Vaillant et le basculement historique du Sénat pour que certaines avancées novatrices soient enfin suggérées. Il faut bien reconnaître, que sur l‘ensemble des candidats en lice pour ces élections 2012, aucun ne veut réfléchir et prendre en compte la vraie mesure des enjeux. Bien évidemment, l‘emploi, la paupérisation galopante, l‘éducation sont des sujets plus « respectables », dont l‘urgence n‘échappe à personne. Tout autant que la santé, ou la sécurité. Mais se rendent-ils compte qu‘en fait tout est quand même logiquement lié ? Tout au moins pour le cannabis. L‘économie souterraine de subsistance, la relégation de certains quartiers à forte dominance de populations en situation d‘ exclusion sociale, par difficulté à pouvoir s‘intégrer dans le système actuel, les faillites de la scolarisation, tout cela contribue à renforcer l‘offre, parce qu‘il faut bien vivre, et en conséquence la demande. Ce qui fait perdurer un trafic malgré tout plus ou moins toléré quoi qu‘on en prétende, en dehors des opérations « coup de poings » et de la « chasse au faciès des shiteux » pour faire de « bonnes » statistiques (IRAS).

Pourtant depuis 2002, ce n‘est pas la consommation de cannabis qui devient alarmante mais l‘arrivée massive de l‘héroïne bon marché comme l‘augmentation de la prévalence de la cocaïne, ou d‘autre drogues de synthèse, parfois légales et détournées de leur usage ou dues à l‘ingéniosité inventive d‘apprentis chimistes motivés par les aspects lucratifs.

Bilan catastrophique

Le bilan de la prohibition est catastrophique. Si le flou est entretenu, le discours des partis dits de gauche s‘est néanmoins décrispé au cours des derniers mois, surtout à propos du cannabis. Le véritable problème tient en une question résumée par le sous titre du livre Legalize It ! de Francis Caballero aux éditions L‘Esprit Frappeur (Cf. [RBH]²³- N°5), Pourquoi et comment légaliser le cannabis? Quelle procédure possible pour changer maintenant?

Comme le répètent les partisans du cannabis de la première heure, le débat est toujours biaisé par des considérations générales qui n‘ont rien à voir avec le produit. Ses vertus d‘accompagnement thérapeutique sont parfaitement démontrées. Faut-il persister à se focaliser sur une vision utopique d‘abstinence relevant presque de l‘ascèse parfaite, qu‘il est de la liberté de chacun de ne pas vouloir supporter, comme chacun est libre de ne pas préférer l‘alcool en tant que produit délassant? Que faire face aux nouvelles addictions de tout ordre que révèlent les progrès scientifiques et qui prolifèrent ? D‘ ailleurs on pourrait également se poser la question du pourquoi cette recrudescence.

Il serait nettement plus profitable pour tout le monde que ces lamentations n‘aient plus lieu d‘être, et que l‘on puisse enfin se préoccuper réellement d‘une prévention pragmatique, donc efficace, qui comprendrait évidemment tous les volets sociaux relatifs aux drogues.

Une nouvelle politique pour réguler les substances psychotropes, après un petit recadrage général et réaliste ne serait-ce qu‘autour de la dépénalisation de l‘usage personnel. Cela pourrait devenir sans trop de renoncements la base d‘un consensus politique entre Poutou, Mélenchon, Joly, Hollande, Bayrou.

Ce pourrait être un début avant de traiter le reste auquel il faudra bien s‘attaquer un jour.

Par Ananda S. et Farid G.

 

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