Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste, est le seul à avoir répondu à chacune des questions que nous avons adressées aux candidats à l‘élection présidentielle (Cf [RBH]²³ – La Gazette du Chanvre N°5)
Que pensez-vous de la politique de prohibition actuelle en France?
La politique de prohibition n’est efficace ni en termes de santé (c’est même le contraire), ni en termes de contrôle du trafic. Derrière un discours paternaliste de protection de la santé publique, priorité est donnée à une logique répressive à l‘égard des plus jeunes et des plus pauvres. En outre, cette politique est inefficace puisque l‘on constate une augmentation continue du nombre d‘usagers en France. Cette politique de prohibition sert des objectifs politiques. Aujourd’hui, on stigmatise le trafic à Sevran (Seine-Saint-Denis) car cela permet de viser les jeunes, les immigrés, les pauvres. Les problèmes sont bien réels dans les banlieues mais la drogue n’en est pas la cause. La situation actuelle est la conséquence du chômage de masse, de la misère économique. Plusieurs milliers de jeunes sont incarcérés chaque année pour consommation et trafic de cannabis, principalement issus de milieux populaires, alors que tout le monde sait que la drogue circule partout. Jean-Luc Delarue qui a avoué consommer 10 000 euros de cocaïne par mois dans le 6e arrondissement de Paris, n’a pas fait un seul jour de prison. Il est évident que la police et la justice mènent sur la question des drogues une politique antijeunes, au faciès, afin de maintenir un contrôle sécuritaire et économique en banlieue. Nous sommes donc pour l‘abrogation des lois antidrogue de 1970 .
Que pensez-vous du rapport parlementaire dit rapport Vaillant et de ce qu’il préconise?
Le NPA et son candidat Philippe Poutou est pour la légalisation qui est, pour nous, la seule mesure sérieuse en termes de santé publique. Il faut apprendre à vivre avec les drogues, les gérer au mieux. N’oublions pas que les deux drogues les plus dangereuses en France sont légales : le tabac (60 000 morts par an) et l’alcool (35 000 morts par an). Le seul moyen pour faire réellement de la prévention et de l’aide à la diminution des risques (utilisation de seringues stériles pour prévenir les infections par exemple) passe par la dépénalisation des drogues. Ne plus faire du consommateur un délinquant est le préalable à toute politique de santé qui vise à réellement aider les gens dans l’usage de drogues qui peut devenir ingérable pour certains. Pour l’instant, les réponses de la gauche sont faibles. Le PS partage fondamentalement le discours de l’UMP sur la question. Hollande s‘oppose à la légalisation du cannabis. Seul Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur socialiste,via son rapport parlementaire, a pris position pour mais nous pensons que cette position a été prise par simple pragmatisme policier. Le point positif de ce rapport c‘est qu‘il a permis de reparler de la légalisation.
Croyez-vous qu’il serait positif de s’en inspirer pour élaborer, en France, une politique efficace permettant de lutter contre les trafics mafieux et les dégâts sociaux qu’ils engendrent?
C‘est la politique de prohibition qui favorise en premier lieux les trafics mafieux. Mais il faut savoir qu‘aujourd‘hui que les principales interpellations policières pour infraction à la législation sur les stupéfiants se font pour simple usage, principalement pour détention de cannabis un produit dont la nocivité n‘est pas clairement avérée. Cette situation contredit le discours officiel de la hiérarchie policière qui prétend concentrer ses efforts sur les gros trafiquants. Il existe bel et bien une spécialisation policière sur le cannabis concentrant la répression sur les milieux populaires Par ailleurs, pour nous, le meilleur moyen de lutter contre les trafics mafieux est de décriminaliser l‘usage de toutes les drogues en dépénalisant la consommation et en avançant dès maintenant vers une distribution médicalisée des produits, en lien avec les associations d‘usagers. Sortir de la logique répressive et prohibitionniste est la seule voie pour assécher les trafics et ouvrir un débat responsable sur les conditions d‘utilisation des psychotropes dans notre société.
Que pensez-vous de la politique d’information et de prévention actuelle?
Il n‘y a aucune politique d‘information et de prévention. Depuis plus de 40 ans , ce sont des politiques répressives qui sont mises en œuvre. Derrière soi-disant une politique de prévention on caricature les jeunes qui « fument », les parents appellent car pensent que leurs enfants vont devenir schizophrènes….On dramatise la situation, cela n’a rien à voir avec une politique de prévention, d’é ducation.
Quelles ont été vos réactions, aux commentaires de la Cour des Comptes,et face à la décision du Sénat de ne pas voter en l’état les subventions de la MILDT?
Que la Cour des comptes ait jugé que trop d‘opacité et de gabegie entouraient l‘ utilisation des fonds publics alloués à la lutte contre les drogues et la toxicomanie…c‘est un fait que nous ne pouvons que constater. Par contre, ce que nous savons de la Mildt, c‘est qu‘ elle a placé depuis 2007, comme priorité première de la politique intergouvernementale de lutte contre la drogue la stricte application de la loi, c‘est-à-dire la répression du trafic et de la consommation de stupéfiants. Actuellement, 35 % des fonds alloués à la MILDT vont à la police, 25 % à la gendarmerie, 20 % à la justice, 10 % aux douanes et 10 % aux actions de prévention…..La majorité des sénateurs a jugé que les fonds alloués à la prévention étaient bien trop faibles. Nous ne pouvons qu‘être d‘accord avec cela.
Pensez-vous que la France puisse suivre les traces des Pays Bas, du Portugal, de la République Tchèque, de la Grèce, et comme en Angleterre, en Suisse, ou en Allemagne, un débat objectif puisse s’instaurer?
Nous sommes favorables en France comme en Europe à la dépénalisation de toutes les drogues et la légalisation du cannabis, de sa production, sa distribution et sa consommation. Il faut évidemment qu‘un débat objectif puisse s‘instaurer afin d‘avancer vers cela.
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