Durant certains repas de famille, il m‘arrive de ressentir une intense frustration.
C‘est au moment où les amateurs d‘œnologie dissertent sur les qualités des différents cépages, comparant les terroirs, l‘aspect, les textures, les goûts et les saveurs de leurs vins et spiritueux favoris. J‘aimerais, moi aussi, pouvoir crier au monde ma passion pour la cannabino(e)logie. Je voudrais leur faire connaître toutes les subtilités, la beauté, la richesse et la complexité de la culture du cannabis, du chanvre, de la marie jeanne. Mais je dois me taire.
A près presque un siècle de prohibition dans le monde occidental, la propagande a pénétré profondément dans les cerveaux, y compris dans ceux des amateurs de cannabis eux-mêmes.
Nous avons tous ressenti au moins une fois une sorte de culpabilité qui n‘a pas lieu d‘être, et cette rage de ne pouvoir vivre, être, exister pleinement partout. Cette rage d‘être libre.
Tous les arguments des prohibitionnistes pour justifier l‘interdiction du cannabis peuvent aussi se retourner contre l‘alcool. La démonstration a été faite depuis longtemps.
Dépendance, nuisances à autrui, accidents, violence … etc. Tous ces problèmes sont beaucoup plus importants avec l‘alcool qu‘avec le cannabis. En suivant leur logique, les boissons alcoolisées devraient donc être totalement interdites depuis longtemps.
Lorsque l‘on fait part de ces réflexions aux prohibitionnistes, leur réponse est la suivante: «L‘alcool, ce n‘est pas pareil, c‘est notre culture, c‘ est notre histoire, c‘est socialement intégré…» Et c‘est là que je m‘insurge.
Culture de cannabis et culture du cannabis
Quel mépris pour notre culture qui concerne des millions de Français.
Et ce n‘est pas un argument. Même si cela ne concernait que quelques personnes, nous devrions être reconnus, au nom du respect des minorités qui est appliqué dans beaucoup d‘autres domaines.
Nous aussi, nous avons nos grands crus, nos terroirs, nos «land races», nos passionnés, nos botanistes, nos scientifiques, nos spécialistes, nos cannabinologues, nos artistes, nos poètes…
Non, ce n‘est pas une sous-culture réservée à quelques délinquants de banlieue comme certains aimeraient nous le faire croire.
C‘est la culture avec laquelle j‘ai grandi. C‘est une culture internationale mais aussi spécifiquement française. On pense bien sûr à la musique mais aussi au cinéma, à la littérature à la BD, à la mode, à l‘art… etc.
Le cannabis a même infiltré la culture la plus «mainstream», de Baudelaire jusqu‘à Yannick Noah.
La plupart des films français, quel que le soit le genre contiennent la fameuse «scène du joint».
Exemple, les films «Intouchables» et «Lol» qui ont cartonné au box-office, présentent tous les deux le cannabis sous un jour plutôt favorable.
Comment ne pas reconnaître l‘impact du cannabis sur la créativité de nombreux artistes ? Ceux-là mêmes qui sont à l‘origine de toutes ces oeuvres qui font maintenant partie du patrimoine français.
Sur la route
C‘est peut être dans le domaine de la sécurité routière que la discrimination est la plus flagrante.
Selon les calculs (que par ailleurs, je conteste), le fait d‘ avoir fumé du cannabis avant de prendre le volant (quel que soit le dosage) multiplie le risque d‘accident mortel par deux.
La loi prévoit pour tous les contrevenants un passage devant le tribunal correctionnel.
Pour l‘alcool il existe 3 seuils : pour moins de 0,5 grammes par litre dans le sang, le risque d‘accident mortel est multiplié par deux. Sanction : aucune.
Pour moins de 0,8 g (risque X 4) la sanction est une amende et le retrait de 6 points sur le permis
Et c‘est seulement au-delà de 0,8 g (risque X 10) que la loi prévoit un passage devant le tribunal correctionnel comme pour le cannabis.
On voit donc clairement que la loi favorise l‘alcool puisque l‘on est autorisé prendre le volant en multipliant le risque par deux à condition que ce soit à cause de l‘alcool et non du cannabis. C‘est seulement lorsque le coefficient est de 10 pour l‘alcool que les sanctions sont identiques, c‘est à dire 5 fois plus.
Comparaisons
Prenons le cas d‘une personne qui consacre toute sa vie, au travers d‘associations, à la lutte contre l‘alcoolisme chez les jeunes ou contre l‘alcool au volant.
Demandera t-elle pour autant l‘interdiction totale de l‘ alcool sur tout le territoire français? Bien sûr que non et il se peut même qu‘elle boive une petite coupette de temps à autre.
Pour le cannabis, c‘ est différent. La lutte contre la toxicomanie sert de prétexte pour maintenir et même renforcer la prohibition. C‘est un discours qui mélange allégrement toutes les drogues licites ou illicites, ce qui est bien pratique. On parle, par exemple, des dangers de l‘héroïne pour justifier l‘interdiction du cannabis, et mieux diaboliser ces substances.
Quelle serait la réaction des viticulteurs et de l‘opinion publique en France, si l‘ on arrachait et brûlait des centaines d‘hectares de vignes au nom des dégâts causés par l‘alcoolisme, comme cela se fait pour les plantations de cannabis en Afrique, de pavot en Asie et de la coca en Amérique Latine.
Prohibition
Je bois moi-même un peu d‘alcool et je suis opposé à l‘interdiction de toutes substances. Mais il m‘arrive de me poser la question : Ne devrions-nous pas militer pour la prohibition de l‘alcool ?
Cela n‘arrivera jamais et c‘est très bien comme ça.
Mais cette demande contribuerait peut-être à la mettre en évidence les nombreuses contradictions de la législation actuelle et au combat contre ces lobbies surpuissants qui continuent à prospérer.
Par Budmaster X