En Septembre dernier la Fédération Française d’Addictologie tentait d’ouvrir sa réflexion par la mise en place d’un atelier spécifique consacré aux « propositions alternatives pour améliorer la santé des usagers de cannabis ». Puis en octobre, à l’occasion des journées nationales de l’AFR (association Française pour la Réduction de Risques liés à l’usage de drogues), l’accent était mis sur l’émergence des Cannabis Social Clubs Français, et d’un atelier pratique animé par Principes Actifs. Mais il reste du chemin à parcourir pour mieux appréhender les usagers du cannabis, leurs pratiques et leurs revendications. Pour certains membres de la FFA, seule une réponse clinique peut résoudre efficacement les dérives des personnes en difficulté avec leur consommation de cannabis, tandis qu’à l’AFR même si l’approche reste ouverte, il est perceptible que le cannabis n’est pas une priorité et que les initiatives sur les salles d’injection supervisées sont au cœur de leurs préoccupations.
Alors que la France dispose d’une des lois les plus dures en Europe et qu’elle affiche le triste record du plus grand nombre d’usagers de psychotropes illégaux. Depuis des décennies, les communications gouvernementales pointent le cannabis tel un fléau détruisant la belle jeunesse française. Même si la presse qui informe répétera à chaque article que la prohibition telle qu’elle est pratiquée n’a donné strictement aucun résultat, sauf à considérer la surpopulation carcérale, les interpellations massives souvent au faciès, la corruption galopante, les réglements de compte mortels… Comme les effets désastreux engendrés par une politique plus efficace dans la répression que dans la prévention.
Il faut le reconnaître, le cannabis n’intéresse pas grand monde en dehors des usagers.
Seuls quelques universitaires, tels le sociologue Michel Kokoreff ou l’expert en droit Renaud Colson étudient la question avec de véritables outils d’analyse et tentent de défendre des propositions qui permettraient d’en finir avec les ravages provoqués par la loi de 70. Comment stopper le pervertissement de la fraction sociale des «laissés pour compte du système» ? Un désastre auquel il paraît de plus en plus difficile de s’attaquer. Une difficulté expliquant peut-être cette absence de solutions tangibles, de propositions alternatives, d’idées novatrices. Un silence trompeur qui laisse toujours se propager des inepties, ce que les usagers de cannabis ne peuvent que déplorer.
Or les cannabinophiles se rassemblent peu et répugnent à se structurer, ce qui est sans doute logique face à un tel niveau de répression et de moralisme à bon compte. De facto cette discrétion nécessaire les dessert paradoxalement, empêchant un rôle associatif de lobbying qui existe ailleurs. Ils se contentent de former une entité importante (selon les statistiques plus de 500 000 usagers chroniques et près de 200 000 cannabiculteurs), floue et passive, en dehors de manifestations quasi rituelles de la Marche Mondiale du Cannabis ou de l’Appel du 18 joint.
Les usagers du chanvre thérapeutique se considèrent souvent comme le fer de lance du combat pour sa reconnaissance. Ce qui ouvre la porte à un débat biaisé chez les partisans de la légalisation, entre des «récréatifs» responsables empêcheurs de tourner en rond et des personnes malades pour qui l’accès légal au cannabis est une urgente priorité humanitaire. Un débat qui redouble d’intensité quand on observe que les personnes malades ne peuvent pas financièrement bénéficier des produits pharmaceutiques légalement disponibles – mais en France les ATU se délivrent au compte goutte – alors que l’autoproduction à des fins personnelles permettrait simplement de remédier aux soucis de tous.
Le 19 octobre 2012, dans l’enceinte du Parlement européen à Strasbourg, l’UFCM organisait un colloque largement ouvert aux laboratoires, excluant de la participation certaines associations d’usagers. Ce colloque a permis d’entendre de nombreuses contributions sur les avancées de la recherche sur l’utilisation du cannabis et des cannabinoïdes en médecine.
Il y a urgence à demander le retrait du cannabis du tableau des stupéfiants.
par Fabrice Bonnet