Emmi, éditeur du Hanf Journal et de [RBH]²³, est né le 20 septembre 1972 à Cracovie. Il a passé son enfance au pied du château Wewel et a émigré en 1981 pour Nuremberg. En 2003, il a fondé l’Agence Sowjet qui édite les journaux «cousins» du [RBH]²³ en Allemagne, en Pologne, en République tchèque et en Ukraine. En 2009, il est entré au Parti Pirate allemand, avec lequel il vient d’obtenir le meilleur score électoral comme candidat direct (par opposition aux candidats sur liste) aux législatives de 2009. Cet automne, notre éditeur, sera le premier candidat «CannaPirate» pour les élections régionales de Bavière. Une bonne raison pour faire un entretien avec notre directeur de publication et puisse cette interview faire le buzz chez nos amis qui vivent en Allemagne.
Pourquoi t’es-tu engagé pour le parti Pirate ?
J’ai goûté à l’engagement politique depuis mon enfance, ce n’est donc pas mon premier engagement partisan. En 2009, après 15 ans d’adhésion aux Grünen (Les Verts), j’ai adhéré au Parti Pirates. Pour trois raisons : 1) la perspective de définir une politique prenant en compte les nouvelles technologies de l’information ; 2) à cause de la débat qui sévissait sur la censure d’internet ; 3) et parce que Les Verts avaient choisis de ne pas s’y intéresser vraiment.
Le parti Pirate est plutôt connu comme le parti de l’Internet, mais pour convaincre les gens, tu dois bien avoir d’autres questions sur lesquelles tu veux agir en priorité ?
Ma thématique de base est la politique de l’éducation, et j’ai des centaines de propositions concrètes sur cette question.
Mais je reste fondamentalement engagé sur les affaires étrangères, l’Europe, tout comme sur les affaires intérieures.
Par exemple, parlons de politique intérieure, sur quoi insistes-tu ?
Il y a bien des questions importantes, actuellement en débat au sein du PP, mais ma spécialisation concerne la question des drogues et de la consommation récréative… Un thème d’autant plus sensible, qu’il est risqué de l’aborder là où je vis à Nuremberg (Bavière).
Tu veux quoi par sensible et risqué ?
Sur les 12 millions d’habitants, la Bavière condamne chaque année environ 30000 consommateurs de cannabis. Cela fait, depuis le jugement d’amnistie de la Cour constitutionnelle, plus de 450 000 condamnés.
Chacun de mes voisins a parmi ses proches une personne qui a été condamnée au moins une fois, pour la consommation ou la détention, ou la cession. La Bavière est le Texas de l’Europe, il est temps que cela change.
Et pour les élections en Bavière cet automne, tu sera donc à nouveau candidat ?
Oui, en septembre, nous avons les éléctions législatives et les régionales de Bavière. Je suis candidat au Bundestag, mais aussi tête de liste de notre liste régionale. Si nous dépassons le seuil des 5% en Bavière, je serai le premier élu du cannabis siégeant dans l’Assemblée de Bavière.
Quels seraient tes premiers pas concrètement ? Même si à première vue, tu as peu de chance d’occuper la présidence de la Bavière, qui t’aurait permis d’établir les bases légales pour les «coffeeshops»…
Bien sûr, les possibilités d’un élu dépendent des résultats électoraux. J’en suis conscient. Peu importe le résultat final, si je suis au parlement, cette question sera posée où elle doit l’être, c’est-à-dire pointée à l’ordre du jour. Et sous tous ses aspects. Il y a tellement de domaines où il faut se battre. C’est pourquoi, je vais diversifier mes interventions sur le sujet et le plus régulièrement possible: par exemple le retrait sans raison du permis de conduire pour consommation de cannabis, sans relation avec la circulation routière. Comme la plupart des difficultés et des dangers sont causés par le marché noir, je ferais tout pour la légalisation et la réglementation. Et si les Pirates obtiennent assez d’influence sur le résultat des urnes, j’estime qu’en Bavière nous devrions commencer à titre expérimental les «Cannabis social clubs». Je pense que c’est une solution réaliste. Les gens du sud connaissent la vie associative. Enfin, nous voulons aussi qu’en Bavière, on cesse de poursuivre les gens pour une quantité limitée, en définissant un seuil que j’estime à 30 grammes, nous serions dans le domaine du raisonnable. Mais on ne peut pas tout faire au niveau régional. Il faudra aussi agir au Bundestag.
Depuis quand es-tu actif sur la question des drogues ?
J’ai fait mon premier exposé sur le sujet en 1992 lors d’une rencontre internationale étudiante à Zakopane (Pologne). J’y ai esquissé le paradoxe qu’en dépit des interdictions répétées, notre directeur avait dû reconnaître, que l’on fumait dans notre établissement.
Je l’avais contraint à révéler un tabou… Mais on n’a pas plus progressé en Bavière, et nous n’avons jamais abandonné le combat pour défendre nos arguments.
Mais je ne vais pas te décrire toutes les actions auxquelles j’ai pris part, on peut envisager un autre entretien, juste pour ça…
Et que feras-tu si tu es élu comme député ?
Je prendrai fermement position pour une amnistie générale de tous les consommateurs condamnés depuis les années 1970. Même si je suis élu en Bavière, j’en parlerais ouvertement.
Je m’occuperais également de faire pousser les premiers plants de cannabis au sein du parlement de Bavière. Manière de voir si mon immunité comme député suffit à me protéger contre les poursuites.
Comment sera réglementé la culture du cannabis, si on veut défendre les droits des consommateurs de cannabis ?
Implanter une zone de culture au Parlement, ce n’est pas des serres clandestines comme il en existe des milliers chez les growers, ce sera une manière de faire sauter le tabou sur cette question. C’est ce que j’ai l’intention de faire.
Quant à ce que je propose sur la question de la culture privée et sa réglementation, voici mes idées. 1) Libéraliser les cultures à des fins personnelles, sans leur imposer de réglementation, car cela ne regarde pas le législateur quand les gens cultivent pour leur propre consommation.
Au contraire, je suis pour la réglementation stricte de toute vente ou cession de cannabis. Dès que l’on ne produit plus pour soi de manière privée, on doit s’en tenir à une protection stricte des consommateurs. Cela veut dire qu’il faut décrire le processus de manière exacte et précise, afin de s’occuper du standard de qualité et des conseils d’utilisation / mise en garde. Il faut avoir une exigence pour que le produit ne soit pas altérer.
Je voudrais qu’il y ait pour la consommation de cannabis les mêmes droits que pour la bière.
En quoi (les Pirates) seront-ils meilleurs que les autres partis qui sont également pour la légalisation en prônant la protection de la jeunesse ?
Je ne veux pas accabler les autres partis qui se donnent du mal. Le SPD et la CDU/CSU posent même un gros problème, aprce qu’ils ont nié la réalité, et pas seulement en matière de politique sur les drogues.
D’ailleurs, nous qui sommes des Pirates en parti, nous sommes cohérents avec nous mêmes et assumons la logique. Il est question de changement global de politique sur toutes les substances, pour les légaliser et pour mettre en place un système plus simple, plutôt que des changements qui maintiendrait cette forme de contrôle social. Aidez-nous, c’est votre pays et vous devez décider : soit vous voulez vivre en toute légalité, soit de rester muet et immobile pour ne rien changer.
Question privée mais cruciale pour nos lecteurs qui aiment tester leurs élus, donc est-ce qu’il t’arrive de consommer du cannabis?
Là, tu exagères (rires). Je ne peux pas le nier, ma première fois, c’était dans un internat catholique en Bavière à l’âge de 17 ans, mais je ne te dirai pas quand la dernière fois…
Que peut-on faire pour te soutenir ?
Le monde est petit et sur Internet nous sommes tous proches. Suivez-moi sur Facebook, Google+ ou Tweetter. Bien entendu, nous avons une campagne à financer.
Et le plus important, dis-le à tes amis qui sont en Allemagne, fais passer le message. La communication de bouche à oreille est toujours le meilleur soutien.
Photo:Emanuel „emmi“ Kotzian – Photo: bartjez cc by sa